FAIT DU SOIR Valérie Andanson, enfant réunionnaise déracinée : « À travers cette pièce de théâtre, c’est de dire : plus jamais ça »

<p>Tout part d&rsquo;une rencontre entre Val&eacute;rie Andanson et Jessica Ramassamy, com&eacute;dienne et dramaturge, accompagn&eacute;e du metteur en sc&egrave;ne, Elian Planes. Tous deux avec Sabine Moulia, sont co-cr&eacute;ateurs du collectif V.1. Cette rencontre a eu lieu en d&eacute;cembre 2019 &agrave; Aix-en-Provence, o&ugrave; habitait Val&eacute;rie, l&rsquo;une des &laquo; enfants dits de la Creuse &raquo;, porte-parole de la F&eacute;d&eacute;ration des enfants d&eacute;racin&eacute;s des d&eacute;partements et r&eacute;gions d&#39;Outre-Mer (FEDD). &laquo; <em>Pour ce deuxi&egrave;me spectacle, nous avions envie de nous emparer &agrave; nouveau d&rsquo;un fait de soci&eacute;t&eacute; comme on a pu le faire pour notre premi&egrave;re cr&eacute;ation, </em>&quot;Il faut dire&quot;<em>, qui revenait sur l&rsquo;affaire de Gabrielle Russier </em>&raquo;, lance Jessica Ramassamy.</p>

<p>Cet &eacute;pisode encore trop peu connu de l&rsquo;histoire de France, a pourtant marqu&eacute; toute une g&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;enfants coup&eacute;s de leur famille d&rsquo;origine, d&eacute;racin&eacute;s. Mais aussi les g&eacute;n&eacute;rations suivantes : &laquo; <em>Quand j&rsquo;&eacute;tais petite, on me disait de ne pas sortir apr&egrave;s 18h, sinon on va t&rsquo;attraper et t&rsquo;envoyer on ne sait o&ugrave;</em> &raquo;, se souvient Virginie Sibalo, com&eacute;dienne d&rsquo;origine r&eacute;unionnaise, qui a rejoint l&rsquo;&eacute;quipe artistique du collectif V.1, pour ce spectacle. &laquo; <em>Une l&eacute;gende</em> &raquo; directement li&eacute;e &agrave; cette affaire d&rsquo;&Eacute;tat racont&eacute;e par le collectif.</p>

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<img src= »https://medias.objectifgard.com/api/v1/images/view/63760efa243d1b7e2d4f3088/article/image.jpg » alt= »Le collectif V.1 au théâtre de Nîmes »>
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Virginie Sibalo, com&eacute;dienne et les trois co-cr&eacute;ateurs du collectif V.1, Elian Planes, metteur en sc&egrave;ne, Jessica Ramassamy et Sabine Moulia, comm&eacute;diennes.&nbsp;

• <strong>Photo S.Ma</strong>
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<p>Au d&eacute;but des ann&eacute;es 60, l&rsquo;&Icirc;le de la R&eacute;union, consid&eacute;r&eacute;e comme un d&eacute;partement encore sous-d&eacute;velopp&eacute;, pr&eacute;sente un taux de natalit&eacute; parmi les plus &eacute;lev&eacute;s au monde. Face &agrave; une d&eacute;mographie galopante, au niveau de la pauvret&eacute; et au risque d&rsquo;une explosion sociale, Michel Debr&eacute;, d&eacute;put&eacute; de La R&eacute;union, renforce le Bureau pour le d&eacute;veloppement des migrations dans les d&eacute;partements d&rsquo;Outre-Mer (BUMIDOM), et l&#39;&eacute;largit aux mineurs. C&rsquo;est dans ce cadre que plus de 2 000 enfants r&eacute;unionnais sont immatricul&eacute;s par la Direction d&eacute;partementale des affaires sanitaires et sociales pour &ecirc;tre transf&eacute;r&eacute;s dans 83 d&eacute;partements de l&rsquo;Hexagone. La Creuse voit transiter au Foyer pour l&rsquo;enfance de Gu&eacute;ret l&rsquo;un des plus gros contingents. Ces enfants, dont les parents pour la plupart illettr&eacute;s ont sign&eacute; un acte d&rsquo;abandon, ont rarement pu retourner sur leur &icirc;le, retrouver leurs racines et leurs proches.</p>

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<p>« J’avais 3 ans quand on nous a arrachés à notre famille. »</p>
<small>Valérie Andanson</small>

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<p>Parmi ces enfants pass&eacute;s par Gu&eacute;ret, Val&eacute;rie Andanson. &laquo; <em>J&rsquo;avais 3 ans quand on nous a arrach&eacute;s &agrave; notre famille.</em> &raquo; Nous, car ses cinq fr&egrave;res et s&oelig;urs &eacute;taient &eacute;galement dans cet avion qui s&rsquo;est pos&eacute; &agrave; l&rsquo;a&eacute;roport d&rsquo;Orly(*). &laquo; <em>Puis on est mont&eacute;s dans un bus, direction Gu&eacute;ret dans la Creuse. L&agrave;, nous avons &eacute;t&eacute; tri&eacute;s. La fratrie a &eacute;t&eacute; &eacute;clat&eacute;e. </em>&raquo; Val&eacute;rie a &eacute;t&eacute; plac&eacute;e en famille d&rsquo;accueil &laquo; <em>o&ugrave; j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; maltrait&eacute;e pendant 4 ans</em> &raquo;. &laquo; <em>Cette p&eacute;riode-l&agrave;, o&ugrave; j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; trait&eacute;e comme un animal, j&rsquo;essaie de l&rsquo;occulter&nbsp;pour me prot&eacute;ger. </em>&raquo; Puis &agrave; l&rsquo;&acirc;ge de 7 ans, celle qui est n&eacute;e dans la Creuse si on s&rsquo;en r&eacute;f&egrave;re &agrave; sa carte d&rsquo;identit&eacute; de l&rsquo;&eacute;poque, est adopt&eacute;e par une famille aimante et aim&eacute;e. Mais ce n&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&acirc;ge de 16 ans, en tombant par hasard sur des documents, qu&rsquo;elle apprendra sa vraie histoire. &laquo; <em>Sur ces papiers, il y avait un autre nom, un autre pr&eacute;nom et un autre lieu de naissance. On avait falsifi&eacute; mes papiers, c&rsquo;est grave.</em> &raquo;</p>

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<img src= »https://medias.objectifgard.com/api/v1/images/view/637610fd0506a86a5b5f623b/article/image.jpg » alt= »Valérie Andanson »>
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Val&eacute;rie Andanson a d&eacute;couvert sa v&eacute;ritable identit&eacute; &agrave; l&#39;&acirc;ge de 16 ans.

• <strong>Document V.A.</strong>
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<p>Aujourd&rsquo;hui &acirc;g&eacute;e de 59 ans et d&eacute;sormais install&eacute;e sur sa (vraie) terre natale, la porte-parole de la FEDD poursuit son combat avec force et d&eacute;termination, pour faire conna&icirc;tre l&rsquo;histoire de ces enfants r&eacute;unionnais mais aussi et comme d&rsquo;autres associations, pour obtenir pleinement r&eacute;paration de la part du Gouvernement. &laquo; <em>Je ne suis pas en col&egrave;re, je suis sur le chemin de la r&eacute;silience. Mais ce combat est important, je le d&eacute;die &agrave; mon fr&egrave;re, &agrave; tous ces compatriotes d&eacute;c&eacute;d&eacute;s trop jeunes. Je m&rsquo;en suis sortie, mais nous sommes tous traumatis&eacute;s physiquement et psychologiquement. </em>&raquo;</p>

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<p>« Le corps autant que les mots, raconte une histoire&quot;</p>
<small>Elian Planes, metteur en scène</small>

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<p>Maman de trois enfants et grand-m&egrave;re de six petits-enfants, Val&eacute;rie parle avec &eacute;motion de l&rsquo;attention port&eacute;e par le collectif V.1 &agrave; son histoire. &quot;<em>Quand je les ai rencontr&eacute;s, je me suis dit :&nbsp;On va aller loin avec eux </em>&raquo;. Son parcours que l&rsquo;&eacute;quipe montpelli&eacute;raine retrace entre fiction et r&eacute;alit&eacute;, constitue le fil rouge de &laquo; Tous nos ciels &raquo;, une pi&egrave;ce qui interroge aussi sur l&rsquo;h&eacute;ritage culturel, sur le regard que nous portons sur nos origines, sur la transmission de cette histoire aux g&eacute;n&eacute;rations d&rsquo;apr&egrave;s et de la fa&ccedil;on dont elles s&rsquo;en emparent. Jessica Ramassamy a &eacute;galement pris des libert&eacute;s &laquo; <em>afin de faire &eacute;cho aux voix des autres enfants dits de la Creuse, d&rsquo;avoir une dimension universelle.</em> &raquo;</p>

<p>Dans la mise en sc&egrave;ne, on y retrouve la patte du collectif, sa volont&eacute; d&rsquo;impliquer le public &ndash; &agrave; qui il n&rsquo;est pas question d&rsquo;imposer un avis, mais d&rsquo;ouvrir &agrave; la r&eacute;flexion sur ce sujet – dans ce qui se passe sur sc&egrave;ne, avec les trois com&eacute;diennes Jessica Ramassamy dans le r&ocirc;le principal, Sabine Moulia et Virginie Sibalo. Il y a ce qui se dit, ce qui se joue, ce qui se voit, &laquo; <em>le corps autant que les mots, raconte&nbsp;une histoire, chaque chose sur sc&egrave;ne n&rsquo;est pas due&nbsp;au hasard </em>&raquo;, pr&eacute;cise Elian Planes, metteur en sc&egrave;ne. Et le m&ecirc;me de poursuivre : &laquo; <em>Dans la mise en sc&egrave;ne, il y a beaucoup de subtilit&eacute;s, de d&eacute;calage, de vie. On insuffle de la lumi&egrave;re, de la vie, malgr&eacute; le fait que ce soit un th&egrave;me dur. </em>&raquo;</p>

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<p>&quot;C’est une affaire politique, une affaire d’État, il faut en parler.&quot;</p>
<small>Valérie Andanson</small>

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<p>Val&eacute;rie Andanson a pu voir un extrait de cette pi&egrave;ce le 20 novembre 2021, journ&eacute;e de comm&eacute;moration de l&rsquo;histoire des &laquo; enfants r&eacute;unionnais dits de la Creuse &raquo;. &laquo; <em>S&rsquo;ils parlent de mon histoire, ils ont r&eacute;ussi &agrave; &eacute;largir le sujet, il y a des sc&egrave;nes qui sortent de l&rsquo;ordinaire, qui sont rigolotes et c&rsquo;est bien </em>&raquo;, souligne la quinquag&eacute;naire. Elle ajoute : &laquo; <em>Qu&rsquo;une telle pi&egrave;ce soit port&eacute;e par des jeunes, c&rsquo;est tr&egrave;s fort, tr&egrave;s important. L&rsquo;exil d&rsquo;enfants est quelque chose d&rsquo;inhumain, de traumatisant. De quel droit peut-on d&eacute;cider de l&rsquo;avenir d&rsquo;un enfant ? Et dans la fa&ccedil;on dont les com&eacute;diennes jouent la pi&egrave;ce, on sent la d&eacute;chirure, on sent que nous avons v&eacute;cu abandon sur abandon, rupture sur rupture. C&rsquo;est une affaire politique, une affaire d&rsquo;&Eacute;tat, il faut en parler. Le combat que nous menons, au travers de la&nbsp;culture, de cette pi&egrave;ce de th&eacute;&acirc;tre, de cette jeunesse, c&rsquo;est de dire : plus jamais &ccedil;a !</em> &raquo;</p>

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<img src= »https://medias.objectifgard.com/api/v1/images/view/637283b1ad5b7c6a9d3d33e9/article/image.jpg » alt= »Valérie Andanson, porte-paroles de Fédération des enfants déracinés des DROM »>
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Le Collectif V.1 s&#39;est inspir&eacute; de l&#39;histoire de Val&eacute;rie Andanson, l&#39;une des 2 015 enfants r&eacute;unionnais d&eacute;racin&eacute;s de 1964 &agrave; 1984.

• <strong>Olivier Monge/Agence Myop</strong>
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<p><a href= »https://theatredenimes.com/spectacle/tous-nos-ciels/ »>La pi&egrave;ce &laquo; Tous nos ciels &raquo; sera pr&eacute;sent&eacute;e les mardi 22 et mercredi 23 novembre au th&eacute;&acirc;tre l&rsquo;Od&eacute;on &agrave; N&icirc;mes</a>. Puis, entre autres repr&eacute;sentations, le collectif V.1 s&rsquo;envolera pour la R&eacute;union. Une trentaine d&rsquo;ex-mineurs d&rsquo;origine r&eacute;unionnaise viendront de m&eacute;tropole pour participer &agrave; cet &eacute;v&eacute;nement. Des rencontres scolaires seront &eacute;galement organis&eacute;es. &laquo;<em>&nbsp;Notre histoire doit &ecirc;tre &eacute;tudi&eacute;e au niveau de l&rsquo;&Eacute;ducation nationale</em>, insiste Val&eacute;rie Andanson.<em> C&rsquo;est le cas &agrave; La R&eacute;union depuis le mois de septembre, mais il faut que ce le soit &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle nationale. Et gr&acirc;ce &agrave; cette jeunesse-l&agrave; qui porte ce projet culturel, avec ses tripes, ses convictions et beaucoup d&rsquo;amour, on va y arriver.</em> &raquo;</p>

<div class= »encadre »>
<h4 class= »tt-encadre »>Le 20 novembre, jour de commémoration de l&#039;histoire &quot;des enfants dits de la Creuse&quot;</h4>
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*Une stèle a été posée à l’aéroport d’Orly le 17 février 2022 pour commémorer l’exil des enfants réunionnais dits de La Creuse. Rappelons qu’en 2014, l’Assemblée nationale a reconnu la responsabilité morale de l’État français dans cette affaire. En 2018, une commission d’information et de recherche historique a rendu un rapport qui a permis de relancer l’action judiciaire.
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Le Collectif V.1 s&#39;est inspir&eacute; de l&#39;histoire de Val&eacute;rie Andanson, l&#39;une des 2 015 enfants r&eacute;unionnais d&eacute;racin&eacute;s de 1964 &agrave; 1984.

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