FAIT DU SOIR Faut-il produire plus d’uranium enrichi chez Orano Tricastin ?

<p>La CNDP, autorit&eacute; ind&eacute;pendante, a nomm&eacute; trois garants, l&rsquo;&eacute;quivalent, pour le dire vite, des commissaires enqu&ecirc;teurs lors des enqu&ecirc;tes publiques. L&rsquo;id&eacute;e est, conform&eacute;ment &agrave; la Charte de l&rsquo;environnement annex&eacute;e &agrave; la Constitution, de permettre &agrave; tout un chacun <em>&laquo; d&rsquo;exercer son droit individuel &agrave; &ecirc;tre inform&eacute; et &agrave; participer aux d&eacute;cisions concernant les grands projets &raquo;</em>, note Etienne Ballan, un des trois garants de la CNDP.</p>

<p>Car de grand projet, il en est question ici. Il s&rsquo;agit rien de moins que d&rsquo;un projet d&rsquo;extension de l&rsquo;usine Georges-Besse 2, une usine d&rsquo;enrichissement de l&rsquo;uranium situ&eacute;e sur le site Orano Tricastin. Car l&rsquo;uranium doit &ecirc;tre enrichi de l&rsquo;un de ses isotopes, le 235, ce qui le rendra fissile. Pour l&rsquo;enrichir, on fait passer l&rsquo;uranium &agrave; l&rsquo;&eacute;tat gazeux, puis on utilise des centrifugeuses qui permettent de trier les isotopes pour ensuite garder ceux qu&rsquo;on souhaite. &Agrave; la fin du processus, l&rsquo;uranium, transform&eacute; sous forme de pastilles de dioxyde d&rsquo;uranium, compte de 3 &agrave; 5 % d&rsquo;isotopes 235, contre moins de 1 % &agrave; l&rsquo;&eacute;tat naturel.</p>

<p>Voil&agrave; pour la th&eacute;orie, maintenant la pratique. Dans le monde, tr&egrave;s peu d&rsquo;entreprises savent enrichir l&rsquo;uranium. <em>&laquo; Il y a quatre acteurs dans le monde, deux &agrave; l&rsquo;Est, et deux &agrave; l&rsquo;Ouest</em>, pose le directeur d&rsquo;Orano Tricastin Fran&ccedil;ois Lurin. <em>&Agrave; l&rsquo;Est, nous avons Rosatom, en Russie, qui repr&eacute;sente 43 % du march&eacute; mondial, et CNNC, en Chine, pour 13 % du march&eacute;, mais qui ne produit que pour son march&eacute; domestique. Et &agrave; l&rsquo;Ouest, il y a Urenco, qui compte 3 usines en Europe et une aux &Eacute;tats-Unis, pour 31 % du march&eacute; mondial, et Orano, ici &agrave; Tricastin, pour 12 %. &raquo;</em></p>

<h2>Se passer de l&rsquo;uranium enrichi russe</h2>

<p>Les donn&eacute;es du march&eacute; sont donc celles-l&agrave;, avec une forte d&eacute;pendance de l&rsquo;Europe et des &Eacute;tats-Unis envers la Russie. <em>&laquo; S&rsquo;il n&rsquo;y avait pas eu le conflit Russo-Ukrainien, nous ne serions pas l&agrave; &agrave; vous parler de ce projet &raquo;</em>, r&eacute;sume Fran&ccedil;ois Lurin. Car m&ecirc;me si des tensions entre les &Eacute;tats-Unis et la Russie s&rsquo;&eacute;taient d&eacute;j&agrave; faites jour avant la guerre, depuis les choses ont chang&eacute;. D&eacute;sormais, europ&eacute;ens et am&eacute;ricains veulent r&eacute;duire au maximum leur d&eacute;pendance &agrave; la Russie, qui les fournit respectivement &agrave; hauteur de 31 % et 28 % en uranium enrichi.</p>

<p>Pour ce faire, il faut donc produire plus en Europe. <em>&laquo; Des &eacute;lectriciens am&eacute;ricains et europ&eacute;ens ont d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; pris contact avec nous &raquo;</em>, affirme le directeur du site. Or, concernant Orano, <em>&laquo; nos usines de Tricastin tournent d&eacute;j&agrave; &agrave; pleine capacit&eacute;, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, avec un taux de rendement de plus de 99 % &raquo;</em>, explique Fran&ccedil;ois Lurin. Actuellement, Orano Tricastin produit 7,5 millions d&rsquo;Unit&eacute;s de travail de s&eacute;paration (UTS), soit l&rsquo;&eacute;quivalent de la consommation de 90 millions de foyers. Le but, avec le projet d&rsquo;extension qui ajouterait quatre modules aux quatorze mis en service entre 2011 et 2016, est de monter &agrave; 11 millions d&rsquo;UTS. Et ce le plus vite possible : <em>&laquo; L&rsquo;objectif est de commencer &agrave; produire en milieu d&rsquo;ann&eacute;e 2028, avec une pleine capacit&eacute; atteinte mi-2030 &raquo;</em>, avance Fr&eacute;d&eacute;ric Bernasconi, directeur du projet pour Orano.</p>

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Sch&eacute;ma de l&#39;usine Georges-Besse 2 et son extension

• <strong>Orano</strong>
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<p>Cela suppose <em>&laquo; un premier coup de pioche en septembre 2024 &raquo;</em>, ajoute-t-il, reconnaissant qu&rsquo;il <em>&laquo; ne faut pas perdre de temps, nous devons &ecirc;tre bons du premier coup. &raquo;</em> Pour y parvenir, le g&eacute;ant du nucl&eacute;aire a adopt&eacute; une strat&eacute;gie : <em>&laquo; Celle du copier/coller de l&rsquo;usine existante construite r&eacute;cemment, avec un proc&eacute;d&eacute; tr&egrave;s fiable, ma&icirc;tris&eacute; &raquo;</em>, explique Fr&eacute;d&eacute;ric Bernasconi. Le tout sachant que les 20 000 m&egrave;tres carr&eacute;s n&eacute;cessaires, au nord de Georges-Besse 2, sont disponibles, et que les sols n&eacute;cessaires avaient d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; pr&eacute;par&eacute;s au cas-o&ugrave;. En tout, il faudra entre 1,3 et 1,7 milliard d&rsquo;euros d&rsquo;investissement pour concr&eacute;tiser le projet.</p>

<p>Mais nous n&rsquo;en sommes pas l&agrave;. <em>&laquo; La d&eacute;cision concernant le projet n&rsquo;est pas encore prise &raquo;</em>, affirme Fran&ccedil;ois Lurin, qui estime qu&rsquo;elle le sera par les grands chefs d&rsquo;Orano d&rsquo;ici cet &eacute;t&eacute;. Pour l&rsquo;heure, Orano en est &agrave; consulter ses clients et &agrave; les sonder sur un engagement sur quinze ans, histoire d&rsquo;amortir l&rsquo;investissement n&eacute;cessaire.</p>

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Le garant de la CNDP Denis Cuveiller, le directeur d&#39;Orano Tricastin Fran&ccedil;ois Lurin, le chef de projet Christophe Mei et le directeur du projet Fr&eacute;d&eacute;ric Bernasconi, devant le site o&ugrave; serait r&eacute;alis&eacute;e l&#39;extension de l&#39;usine Georges-Besse 2

• <strong>Photo : Thierry Allard</strong>
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<h2>Concerner le grand public</h2>

<p>C&rsquo;est donc bien sur un projet que le grand public est d&eacute;sormais appel&eacute; &agrave; se prononcer par la CNDP, <em>&laquo; le plus en amont possible &raquo;</em>, note Etienne Ballan, l&rsquo;un des trois garants du d&eacute;bat. L&rsquo;id&eacute;e est de <em>&laquo; garantir au public la sinc&eacute;rit&eacute; et la compl&eacute;tude de l&rsquo;information, le droit de participer, et le fait de rendre compte &raquo;</em>, pr&eacute;cise-t-il. C&rsquo;est directement &agrave; la CNDP qu&rsquo;&eacute;choit le r&ocirc;le de rendre compte de la concertation, avec pour Orano une obligation de r&eacute;pondre aux questions pos&eacute;es.</p>

<p>La CNDP a d&eacute;j&agrave; commenc&eacute;&nbsp;&agrave; travailler, en consultant les protagonistes sur le territoire. <em>&laquo; Lors de cette concertation pr&eacute;alable, nous avons retenu que la plupart des personnes rencontr&eacute;es sont tr&egrave;s favorables au projet, on sent le poids &eacute;conomique du nucl&eacute;aire sur le territoire &raquo;</em>, explique Denis Cuvillier, un des trois garants. Les craintes &eacute;manent plut&ocirc;t &agrave; ce stade <em>&laquo; d&rsquo;associations militantes contre le nucl&eacute;aire, qui craignent une concentration des activit&eacute;s &raquo;</em>, ajoute-t-il. Il en ressort &eacute;galement que le grand public ne sait pas toujours ce qui se passe derri&egrave;re les hautes grilles du site nucl&eacute;aire. Et pire, <em>&laquo; ce qui nous a fait le plus peur, c&rsquo;est qu&rsquo;on a senti que le grand public ne se sentait que peu concern&eacute; par ce qui se passe sur le site &raquo;</em>, note Denis Cuvillier.</p>

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Denis Cuveiller (au premier plan) est un des trois garants de la concertation conduite par la CNDP

• <strong>Photo : Thierry Allard</strong>
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<p>Le d&eacute;fi sera donc de le faire participer le plus largement possible &agrave; la concertation, et ce aussi <em>&laquo; au-del&agrave; du p&eacute;rim&egrave;tre rapproch&eacute; du site &raquo;</em>, estime la CNDP. <em>&laquo; Le public a le droit de s&rsquo;informer et de participer, de d&eacute;battre &raquo;</em>, r&eacute;sume Isabelle Barthe, la troisi&egrave;me garante de la Commission. &Ccedil;a commence aujourd&rsquo;hui, sur le site Internet d&eacute;di&eacute; ouvert par Orano (voir ci-dessous). Plusieurs r&eacute;unions publiques seront organis&eacute;es, la premi&egrave;re le 7 f&eacute;vrier &agrave; Mont&eacute;limar (Dr&ocirc;me), ainsi que des rencontres de proximit&eacute; et des visites de site.</p>

<p>Que se passerait-il si le r&eacute;sultat de la concertation &eacute;tait d&eacute;favorable au projet ? Si Orano aura l&rsquo;obligation de r&eacute;pondre aux questions pos&eacute;es par la CNDP, <em>in&nbsp;fine</em> l&rsquo;op&eacute;rateur pourrait passer outre. <em>&laquo; Mais ce serait dangereux pour le projet &raquo;</em>, estime Denis Cuvillier. Orano pr&eacute;f&egrave;re dire que dans pareil cas, elle ferait &eacute;voluer son projet avant l&rsquo;enqu&ecirc;te publique qui se d&eacute;roulerait en 2024.</p>

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<h4 class= »tt-encadre »>Pour aller plus loin</h4>
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Toutes les informations concernant le projet et la concertation sont ici.
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Sch&eacute;ma de l&#39;usine Georges-Besse 2 et son extension

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